Insight fonctionnel, insight émotionnel, cela a-t-il du sens ?

Il n’est pas rare d’entendre parler d’insight fonctionnel ou émotionnel. Qu’est-ce que l’on veut en général dire au travers de cette expression ? Cette distinction a-t-elle vraiment du sens pour l’insight consommateur ?
En études de marché, en marketing comme en communication, il n’est pas rare d’opposer le fonctionnel à l’émotionnel. On a donc tendance à dire que les besoins ou les motivations* qui se situent au bas de la pyramide de Maslow (pour prendre cet exemple de classification) correspondent à des besoins « fonctionnels », et ceux dans les degrés supérieurs à des besoins dits «émotionnels».
Or, besoins et émotions sont deux « objets » différents. On pourrait bien s’accommoder de cet abus de langage s’il n’avait pas pour conséquence d’entrainer une erreur préjudiciable : considérer qu’il n’y a pas d’émotion possible dans le bas de la pyramide.
Pour revenir à la question des insights, il y a au moins deux raisons pour lesquelles l’idée « d’insight fonctionnel » ou « d’insight émotionnel » n’a pas vraiment de sens.
La distinction entre besoin et émotion.
En premier lieu les besoins et les émotions sont en effet deux « objets » différents**.
Un besoin correspond à tout ce qui peut est perçu comme nécessaire pour un individu donné. Certains besoins correspondent à des nécessités rationnelles et logiques et d’autres plus irrationnelles, "imaginaires" ou "symboliques". Les besoins fondamentaux ou de sécurité sont des besoins rationnels. Les besoins de réalisation entrent davantage dans le champ de l’imaginaire.
L’émotion relève d’un autre registre. Une émotion correspond à une réponse à un stimulus (expérience, souvenir, pensée, etc.) et elle entraine en général une manifestation physique extérieure (rougissements, tremblements, pleurs, rires, contractions etc….) ou encore interne (palpitations, étouffements, estomac noué etc…). Tout dépend de quelle émotion il s’agit.
Il n’y a donc pas d’opposition réelle entre « fonctionnel » et « émotionnel », et les émotions sont en définitive probablement à chaque étage de la pyramide de Maslow, avec des variantes positives ou négatives en fonction du fait que le besoin est satisfait ou non.
L’insight consommateur n’illustre pas un besoin mais souvent deux
On revient ici sur la notion d’insight consommateur. L’insight consommateur n’est pas un objet inerte, il est porteur d’une force, qui correspond à celle d’un dilemme. Il n’est donc pas la seule illustration d’un besoin mais plutôt d’une attente.
Une attente tout comme un désir*** a ceci de particulier : on recherche à atteindre un objectif ou vivre une expérience mais, pour différentes raisons cette expérience rencontre des limites ou des barrières.
Il y a donc dans l’insight deux besoins : une motivation qui correspond à la force psychologique positive de ce que l’on souhaite vivre et un élément de tension qui correspond à ce qui fait entrave à cette expérience. Dans la pratique on verra souvent se dégager des insights « mixtes » dont les composantes adressent à la fois le haut et le bas de la pyramide de Maslow. Donc rarement de "100% fonctionnel" et de "100% aspirationnel".
S’il fallait au fond retenir un point : les émotions sont partout et ne s’opposent pas à certains types de besoins furent-ils fonctionnels. Pour les deux raisons que nous avons évoquées (besoins et émotions sont deux notions complémentaires et non opposées, et les insights sont souvent les combinaisons de besoins fonctionnels et de besoins imaginaires) on préfèrera éviter de parler d’insight émotionnel ou d’insight fonctionnel. Et en pratique, on devra veiller à réellement traquer les émotions (là où souvent on se contenter de repérer les besoins élevés dans la pyramide de Maslow).
* Maslow parle indifféremment de besoins ou de motivations
** et l’on pourrait poursuivre en disant que les « sentiments » sont encore une autre catégorie
*** « on ne désire que ce dont on manque », Platon. D’où deux questions pourquoi veut-on atteindre une expérience donnée (motivation), et pourquoi considère-t-on qu’elle n’est pas atteinte (élément de tension).